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Hommage au cidre
jeudi 21 janvier 2010
Quand s’attarde, sur la cime des pommiers, la première caresse des brumes d’automne, les pommes savent que leur heure est venue. Rouges ou jaunes, bien lisses ou déjà fripées, gorgées de suc, elles se hâtent de tomber :les retardataires connaîtront la gaule du maître.
A la maison, le moulin gourmand s’est lavé les dents ; à lui de mordre les pommes pour les cracher en copeaux ruisselant de jus.
C’est sur l’autel du pressoir que les copeaux rendront l’âme dans leur lit de paille. L’odeur forte du cidre nouveau s’unit au parfum humide des pommes hachées.
La pomme est morte. Vive le cidre !
Entonnons le cidre et ses chansons.
Dans le tonneau sombre qui le recueille, le cidre prisonnier tempête. Il bout, il écume, il exhale sa colère.
Avec le temps, enfin calmé, il se laisse sonder. Des langues savantes l’apprécient : bon pour le service.
Sa joie commence.
A lui, les rondeurs pansues qu’il affectionne tant : fûts et barriques pour l’hiver, pichets et bols pour le quotidien. Foin de la flûte et du petit verre trop malingres, trop chétifs Des bouteilles aussi ? Oui, mais solides, d’un vert sombre, trapues, que la prudence encapuchonne de fer et de plastique.
Mais que sautent les bouchons, alors, le cidre jaillit avec force, cuivrant sa robe de reflets de soleil, frangeant de mousse et cravatant d’écume la bolée qu’il épouse.
Et les connaisseurs trinquent à sa malice pétillante.
Parfois capricieux, il se laisse attendrir par des gâteries : sirop de mûres, de cassis, de framboises. Il s’adoucit et se parfume en « Mélaye », le fameux apéritif des Bretons.
Quand sonne enfin l’heure de la retraite, endormi au fond de sa barrique, il attend la "bouillotte", ce réservoir de jouvence où il retrouvera jeunesse et ardeur. Désormais, il sera l’eau de vie, la "goutte".
Ainsi, de pomme en jus, de jus en cidre, de cidre en goutte, de cidre en mélaye, se chante en Bretagne l’épopée du cidre.
Encore merci la pomme ! et bravo le cidre !
Texte de Louis Martin